25 mars 2007

S'éloigner, ça rapproche!

Le week-end des 20 et 21 janvier dernier, nous avions organiser un grand déplacement collectif sur une île au sud-ouest du Cambodge, près de Sihanoukville (Kampong Som). La quasi totalité de l'équipe du Centre Bophana était du voyage, aussi bien expatriés que Khmers. L'idée était en effet de nous sortir un peu tous du cadre du boulot et de Phnom Penh pendant 2 jours pour avoir le temps de faire un peu plus connaissance, d'où le titre de ce billet.

En effet, il s'avère assez difficile de trouver du temps en commun avec les khmers en semaine: la journée le travaille nous monopolise tous, et le soir n'est pas du tout adapté (cours du soir, obligations familiales, plus "couvre-feu" obligatoire souvent vers 20h30, surtout pour les filles...). Et puis les brunchs ou autres déjeuners dans des appartements ne permettent pas non plus de faire venir trop de personnes, et le temps imparti est trop court!

Ce n'était pas gagné d'avance néanmoins. Car si difficulté il y a pour nos amis khmers à sortir "tard" le soir, que dire de passer tout un week-end en dehors du domicile familial! Qui plus est avec une bande d'expatriés débauchés ;-)

Heureusement, Silvère, notre (bientôt ex) logisticien de choc a su trouver les arguments convaincants:

- Bungalows séparés pour les filles et les garçons
- Ambiance familiale garantie
- Transport pris en charge
- Prix tout à fait modeste (le Centre ayant décidé de prendre en charge une bonne partie des frais pour eux)

Et ça a marché!

Du coup, départ du Centre à 7h du matin le samedi en minibus climatisés rutilants (avec même pas tous les sièges occupés, et personne sur le toit, le grand luxe quoi!) pour quelques heures de route vers le golfe de Thaïlande.

Ambiance "sommeil à rattraper" côté expats, peu habitués aux réveils aussi matinaux, et studieuse côté khmers: radio avec commentateur politico-comique qui comparaît les conditions de vie et les passe-droits des riches par rapport aux plus modestes, et lecture de journaux.

Mais en y regardant de plus près, on voit que Meak était très concentré sur un article "culturel"...

Arrivé au bord de mer, arrêt dans des cahutes-restaurant pour nous restaurer avant de prendre le bateau amarré juste derrière.


La cuisine est sommaire dans cette cahute en bois, mais on peut y découvrir les multiples usages du "four" khmer.

Ce four est en fait une sorte de gros pot de fleur à la paroi très épaisse (2 ou 3 cm). Il en existe plusieurs variantes au niveau des rebords (suivant je pense son usage), des prises d'air pour attiser le feu, et de la récupération des cendres tout en bas.

Le modèle et l'usage le plus courant que j'avais déjà vu a de multiples reprises consiste simplement à l'utiliser comme un barbecue: du bois ou du charbon dedans, les grillades posées sur une grille installée dessus.

Ceux que l'on voit ici servent plutôt de cuisinière. Les rebords permettent d'y déposer des marmites, une théière ou un wok.

Il existe même des modèles spécialement développés par une petite ONG dont le but consiste à réduire au maximum la consommation du combustible, à la fois pour faire faire des économies aux familles modestes, mais aussi pour réduire la déforestation (un fléau au Cambodge), et bien sûr minimiser la production de gaz à effet de serre. La prochaine génération en préparation devrait permettre d'utiliser des déchets recyclés comme combustible et produire du gaz... je n'ai pas tout compris, mais j'espère en apprendre plus prochainement sur ce projet, ainsi que sur un autre qui vise à remplacer les lampes à pétroles par des lanternes à LED.

Pendant que nous sommes dans la cuisine, voici un autre ustensile courant au Cambodge: un réchaud à soupe fonctionnant à la braise. L'intérieur est rempli de braises par la cheminée centrale, et le pourtour contient la soupe qui continue donc de mijoter à table!

Pendant que les mets se préparent en cuisine (tout est fait à la demande, pas de surgelé ou de micro-ondes!), on peut se prélasser dans tout un parc de hamacs avec vue sur la mer. Je sais, la vie est trop dure!

Les enfants des commerçants s'amusent avec 3 fois rien, le jouet le plus élaboré étant une vieille poupée à l'esthétique d'un autre âge, à la plastique fort peu asiatique et à l'aspect général particulièrement délabré. On est loin de la XBOX 360!

Les rencontres désagréables sont rares au Cambodge (enfin excepté les rats et cafards qui sont légions sur les trottoirs la nuit!), mais sur le tronc de l'arbre occupant le centre de la cabane, nous avons fait connaissance avec ce petit spécimen local de scorpion, un peu plus gros que l'espèce méditerranéenne que je connaissais, et à la tenue de camouflage particulièrement adaptée. Je ne sais pas si cette espèce est venimeuse ou pas.

Une petite heure plus tard, branle bas de combat: soupe de crevettes, crevettes grillées, crabes rissolés, calamars sautés, ... un délice!

Ensuite, embarquement immédiat à bord d'un unique bateau. 17 personnes à bord, plus le barbecue, la glacière...

Peu de gilets de sauvetage, mais Lida s'est immédiatement équipée pour la traversée des éléments déchaînés. Bopha (plus sereine???) opte quand à elle pour une petite sieste.

La propulsion est assurée par 2 antiques moteurs dégoulinants de graisse noire et récalcitrants au démarrage, mais qui finiront par se résigner non sans protester à grand renfort de fumée noire.

Durant la traversée, le vent a forci, et dans les zones exposées entre 2 îles, le bateau a commencé à embarqué pas mal d'eau, arrosant au passage copieusement les personnes les plus à l'avant, qui venait s'ajoutée aux filets d'eau continus dégoulinants à de nombreux endroits entre chaque planche. A l'arrivée à l'île, nos pieds baignaient sur le planché du bateau, pourtant surélevé d'au moins 30 cm par rapport au fond de la coque! Il était temps d'arriver. Au retour, nous découvrirons stupéfaits qu'en fait une deuxième personne est normalement à bord pour actionner une pompe manuelle qui vide au fur et à mesure l'eau qui pénètre dans le bateau. Mais à l'aller, cette personne avait trouvé plus intéressant de s'installer à la proue du bateau pour discuter avec les 2 khmers qui s'étaient installés là!

Kho Russeï, alias l'île aux bambous, est une île militaire, car elle est la dernière terre cambodgienne à proximité du voisin vietnamien toujours redouté. Elle héberge ainsi des baraquements de militaires qui entretienne quelques canons de fort calibre.

Un australien a négocié avec eux le droit d'installer une dizaine de bungalows sur pilotis très sommaires: tout en bois, deux lits et une ampoule au plafond. 2 douches et toilettes communes sans eau courante, et un vaste bungalow bar/restaurant. Le tout sur une plage de sable blanc bordée de cocotiers, de sortes de pins, ...

Le sable est assez étrange, car quand on marche dessus un peu fort, il grince sourdement et fortement, ce que je n'ai jamais observé ailleurs. Un groupe électrogène assure de l'électricité jusqu'à 22h30. Après cela, plus rien d'autre que le vent, les vagues et les étoiles! D'ailleurs, la nuit venue, un autre phénomène étrange s'est manifesté sous la forme de microscopiques micro-organismes planctoniques phosphorescents ramené par les vagues sur la plage. Ils étaient peu nombreux ce soir là, mais ça et là, de petits points lumineux bleus pâles palpitaient lentement sur le sable. Il paraît que parfois il y a des bancs entiers qui éclairent l'eau.

Le soir, la nuit tombée, nous avons fais un barbecue sur la plage au pied des bungalows. Nous avons enfin eu l'occasion de discuter avec nos collègues khmers, et de parler tranquillement d'autre chose que du boulot. Un thème qui nous intrigue aussi bien eux que nous, ce sont évidemment les relations garçons/filles. Ils nous ont raconté assez librement les contraintes de leurs traditions, la surveillance étroite de la famille, les mariages arrangés... Ils étaient aussi intrigués par la liberté des occidentaux, un mélange d'envie et de rejet tellement nos habitudes sont loin des leurs. Pensez, même une bise sur la joue ou le simple fait de toucher une personne sont considérés comme des gestes osés!

Nous avons bien discutés, bien ris aussi, notamment un peu plus tard lorsque je les ai initiés au jeu de cartes "Jungle Speed". J'ai envie de dire que c'est une sorte de tradition instaurée par mon ex colocataire Delphine qui m'a appris à y jouer lorsqu'elle était ici au Cambodge. Quand elle rentrée en France, elle m'a laissé le jeu avec pour consigne de perpétuer la tradition des parties endiablées. J'ai donc voulu commencé ce soir là. Lors des explications et de la première partie, les visages étaient plutôt dubitatifs. Mais dès les premiers tours, ils se sont tous très vite pris au jeu. Un vrai bonheur! Quelle rigolade, d'autant que certaines se sont avérées, sous leur air de sainte ni touche, de sacré roublardes pour essayer de gagner!

Cette soirée a vraiment été formidable, et elle a permis de créer des liens autres que professionnels, et d'instaurer une atmosphère plus détendue qui s'est ressentie au travail dès le lundi suivant.

Le lendemain, chacun a profiter à sa manière de ce dimanche de détente:

un peu de repos...

Des jeux plus sportifs pour d'autres. C'est étonnant comme les khmers restent joueurs malgré leur âge.

Ils ont de 24 à 30 ans environs, mais continuent à prendre plaisir à jouer à des jeux que l'on abandonne probablement dès le collège chez nous! Par exemple, ils jubilent en jouant à des variantes de chat perché ou autre, comme le "3 + 1" où une personne doit parvenir à en toucher une autre avant qu'elle ne parvienne à se réfugier devant un groupe de 2 autres, celle la plus derrière devenant alors à son tour la proie à pourchasser. Je dois dire que j'adore l'idée de garder cet esprit d'enfant joueur, on a bien assez d'occasion d'être sérieux par ailleurs! Mais j'ai malgré tout eu du mal à suivre leur rythme: courir comme un dératé devant ou derrière quelqu'un dans le sable mou et sous un soleil presque au zénith m'a vite mis sur les rotules, à bout de souffle. C'est plus de mon âge ces conneries ;-)

Mais une fois encore, toutes les bonnes choses ont une fin, et ce formidable week-end n'y a pas échappé!

Une petite photo de groupe avant de repartir:

A l'arrière, en partant de la gauche: Meak, Maud, Anne-Sophie (à moitié cachée), Samia, Bunchheang, Céline (aussi un peu cachée) et moi.

Au milieu, Ratani (avec les rayures), Aurélie, Lida, ??? (la femme de Bunchheang), Sylvia, Aurélie.

Et devant: Silvère, Bopha et Noy.

03 février 2007

L'hiver, c'est la saison des mariages!

Depuis décembre, la saison des mariages bat son plein. On découvre tout à coup que la population cambodgienne est très jeune, car le nombre de mariages qui sont célébrés est tout bonnement sidérant!
Contrairement à la France (et aux pratiques catholiques), le mariage ici ne passe pas par la mairie et l'église. Le mariage ici se passe principalement à la maison, et se déroule en 2 étapes:
- Une LONGUE journée qui débute pour les mariés (surtout pour la mariée) vers 4h du matin par une très longue séance de maquillage, et qui est ponctuée de rites et cérémonies (bouddhistes le plus souvent)
- Un ÉNORME repas le soir, où beaucoup de gens sont invités, pas seulement la famille

Un mariage voyant affluer beaucoup de monde, les familles ne peuvent pas les accueillir à l'intérieur de leur maison, souvent modeste. Alors il est d'usage de monter des grandes tentes en tissus chatoyant à l'extérieur. Et comme on est en ville, et qu'il faut souvent pouvoir y loger au moins une centaine de personnes, les trottoirs et la chaussée sont en général mis à contribution! Dans les meilleurs cas, c'est donc le trottoir qui est annexé sur quelques dizaines de mètres, mais le plus souvent, la tente empiètent allègrement et sans complexe sur la moitié de la chaussée, quand ce n'est pas la largeur complète de la rue qui est investie. Dans ce dernier cas, la rue n'est simplement plus utilisable, que ce soit par les véhicules ou les piétons! Aucun avertissement préalable, aucun panneau ni protection quelle qu'elle soit. Ainsi, je suis parti de chez moi un matin, pour me retrouver face à un cul de sac le soir en rentrant, juste à 5m avant ma porte d'entrée! Durant 2 jours, j'ai donc du contourner tout le pâté de maison pour atteindre ma porte!

C'est donc pour cela que l'on découvre qu'il y a autant de mariages: on ne peut pas les rater!!! Au passage, la tradition est identique pour les morts, avec une petite particularité supplémentaire: on fait une première réception le soir même ou le lendemain, puis une autre 7 jours après, et enfin une dernière 100 jours après.

Mais revenons au mariage. Car si je disserte sur ce sujet, c'est parce que j'ai eu l'occasion d'en vivre un de près. NON!!! Je ne me suis pas marié en cachette! Mais Naren, une de nos documentalistes au Centre Bophana, a épousé Jérome, un graphiste français. Et nous étions tous invités.

Et là, je vous dois des excuses... j'ai manqué à mon devoir, que ma carte de presse (que je n'ai pas) me soit enlevée, que mon nom soit banni des colonnes des grands quotidiens internationaux, ... j'ai raté la cérémonie du matin!!! Pas de photo, pas d'histoire à vous raconter! Comment? Pourquoi? Et bien, parce que le rendez-vous à 6h du matin, c'est déjà un peu dur en temps normal, et encore plus quand on se couche la veille à 3h du matin! Je ne suis pas le seul à avoir défailli de la sorte. Pourtant, je me suis réveillé à 06h45, et j'ai appelé une amie qui elle avait réussi à se rendre sur place. Mais elle était resté dehors car elle était la seule occidentale et ne reconnaissait personne! Comme en plus on n'était pas vraiment "officiellement" invité à cette cérémonie, j'avais un peu peur de m'incruster. Alors du coup j'ai eu la mauvaise idée de me recoucher. 10mn après mon amie m'a rappelé: les mariés arrivaient. Mais je n'ai pas pu me relever avant 10h! Bref, c'était raté... Désolé, pour vous, et pour moi aussi, parce que je me faisais une joie d'y assister.

Néanmoins, je sais quelques petites choses:
- La mariée débute donc très matinalement sa journée par une séance de maquillage intense: on lui rase le visage, pour que le maquillage pénètre mieux m'a-t-on dit, et on lui en applique une couche digne d'un ravalement de façade. Les sourcils sont redessinés, des faux cils ajoutés, et on complète avec une coiffure/choucroute digne cette fois d'une star hollywoodienne, souvent agrémentée de peinture à paillettes et d'un diadème. Le résultat est, pour être honnête, souvent méconnaissable, et très chargé à mon goût! J'ai vu des photos d'une autre amie, Linda, et j'ai beau savoir que c'est elle sur la photo, je ne la reconnais absolument pas! Quand à Naren, je la reconnaissais un peu plus, mais pas facilement.


D'autres jeunes filles khmères profitent de l'occasion pour se parer elles aussi de leur plus atours et pour profiter avec profusion d'un maquillage qu'elles n'utilisent le reste du temps jamais. Ainsi, Sophanith, la jeune fille qui travaille avec moi à la numérisation au Centre (Elle est à gauche sur la photo, avec le haut vert).


Quand je suis arrivé sur place, je lui ai dit bonjour sans la reconnaître, et je ne me suis aperçu que 10 bonnes secondes après que c'était elle!

Voici une petite photo (pas très jolie mais c'est la seule que j'ai trouvé) de ces demoiselles dans le civil:


Alors, vous les auriez reconnues vous?

- La cérémonie est ponctuée de rites bouddhiques ou plus païens. Par exemple, un bonze béni des fils rouges qui sont liés par groupe de 3 au poigné des mariés: à gauche pour les filles, à droite pour les garçons. Le chiffre 3 a une importance particulière dans le bouddhisme. Ainsi on brûle aussi les bâtons d'encens par 3. Et les bracelets sont censés protéger et porter bonheur. Par exemple, pour l'inauguration du Centre, nous avons fait venir le 3ème bonze de l'ordre des bonzes du Cambodge (un grand honneur! Mais tout a un prix, et celui-ci se ballade en 4x4 climatisé, avec un garde du corps armé, ne s'assoit que dans un confortable fauteuil loué pour l'occasion et refuse d'être pris en photo! Mais c'est une autre histoire...). Et nous avons tous reçu un bracelet. Il faut le garder jusqu'à ce qu'il tombe... Le mien tient depuis 2 mois maintenant. J'espère qu'il est efficace!! Les mariés eux en reçoivent des dizaines, car c'est vraiment un moment particulièrement important!
Autre rite moins religieux: le lavage des pieds. La mariée lave les pieds de son époux, ce qui est censé symboliser sa soumission! L'égalité des sexes repassera... D'ailleurs, un autre rite est celui de la banane. Comment dire... L'époux tient une banane à la main, et la femme doit l'éplucher et la croquer... Rappelons qu'ici il n'est pas concevable que 2 personnes se voient dans l'intimité avant le mariage. Ce rite constitue donc une sorte de leçon de chose pour préparer la jeune mariée à sa future vie de couple. No comment...

- Au cours de la journée, les mariés doivent se prêter à nombre de séances photos et vidéos. Comme chez nous, me direz-vous? Oui, mais puissance 10: les mariés doivent changer de nombreuses fois de costumes (ici ils se sont limités à 5 je crois, ce qui semble inférieur à la normale), tous loués, et la mise en scène est contrôlée au millimètre par des "professionnels". A priori, tout comme au Vietnam, il en ressortira un DVD atteignant des sommets inégalables de kitsch, avec musique langoureuse, trucages tape à l'oeil à outrance, petits coeurs à tous les étages, ... Je n'ai pas encore vu ce chef d'oeuvre, mais il me semble qu'ici c'est pareil.

- Le soir, c'est donc un énorme repas qui est organisé. Je pense que suivant les moyens des familles, cela se fait dans une tente devant la maison, ou alors, comme ici, dans des grands complexes spécialisés. Vous arrivez à l'entrée d'un énorme parking, genre supermarché, rempli de voitures. Au fond, un énorme immeuble, mais au lieu de l'enseigne Carrefour ou Auchan qui ne déparerait pas, vous avez de grandes lettres en néons lumineux: ici A, B, C et D. Mais j'en ai croisé un bien plus grand qui allait jusqu'à L au moins! Sur votre invitation est précisé à quelle entrée vous devez vous présenter. Normalement un panneau avec les noms des mariés est placé à l'entrée pour éviter toute erreur. Car en fait, chaque entrée correspond à une énorme salle de réception réservée pour un mariage différent. Ce soir là, il y avait donc 4 mariages simultanément. L'erreur est possible: Rithy, notre grand patron, s'est une fois trompé. Il s'est retrouvé à table, et ce n'est qu'au milieu du repas qu'il s'est aperçu de l'erreur, il est donc ressorti, pour aller à côté... où on l'a réinstallé à table et resservi un repas! Comment est-ce possible? On aurait du le reconnaître, et voir qu'il n'était pas invité! Et bien non! Car ce sont plusieurs centaines de personnes qui sont invitées! La famille bien sûr, mais aussi les amis proches, ou moins proches, les collègues, les voisins, ... Car une telle cérémonie coûte très chère évidemment, surtout ici où les revenus sont modestes. Mais il est de tradition que chaque invité mette de l'argent dans l'enveloppe nominative de son invitation qu'il va ensuite déposer dans une urne à cet effet. Plus on invite de gens, plus on a de chance que la différence entre le coup du repas et ce que la personne va laisser dégage un petit bénéfice. Et comme les petits ruisseaux font les grandes rivières...


Je n'ai pas compté, mais je pense qu'il y avait au moins 50 tables, accueillant 10 personnes chacune. Le principe, c'est que les gens arrivent à partir de 16h30, au hasard. On les mets aussitôt à une table, et dès qu'une table est pleine, le service commence, et s'enchaîne à vive allure. Il y a beaucoup de bons plats, mais dès qu'un se vide, un nouveau arrive. Jusqu'à ce que le repas soit fini, et la table se vide, prête pour un autre tour! Donc j'imagine que ce soir là, il y a peut-être eu 500 personnes, voir plus! Nous, nous avions pris la précaution de nous attendre à l'entrée et de rentrer à plusieurs, si bien que nous ne nous sommes pas retrouvés seuls au milieu d'inconnus. D'autant qu'il n'est pas aisé de discuter car, comme toujours ici, le son est à fond, voir même au delà! Orchestre et chanteurs "live" néanmoins.


Et la famille et les mariés dans tout cela? Et bien après s'être farci plusieurs heures de cérémonies depuis 6h du matin, ils sont tous astreints, mariés, parents et même garçons/demoiselles d'honneur, à accueillir en haie d'honneur tous les invités dès 16h30, et à rester à l'entrée jusqu'à ce que les derniers arrivent, c'est à dire probablement vers 20h30! Ensuite, ce sont encore tout un tas de convention à respecter, mais qui se rapprochent quand même pas mal de nos traditions en France:

Tout d'abord, photo de groupe: mariés, demoiselles et garçons d'honneur, tous en blanc.


Puis défilé à travers toute la salle sous les jets de pétales de fleurs et les cotillons.


Ensuite, sous la houlette d'un maître de cérémonie qui débite un flot impressionnant de paroles au micro, et autour d'une table accueillant une pièce montée, les mariés allument ensemble chacun une bougie, remercie leurs invités, soufflent les bougies et sont inondés de cotillons.


Puis ils coupent le gâteau, et échangent la becquée entre parents et enfants. Ce dernier rite est apparemment assez original et à déclencher l'hilarité de Rithy! Il est censé symboliser, je crois, le fait que désormais les enfants vont subvenir aux besoins de leurs parents.


Quelques dernière photos de famille...


Et c'est la fête! A la mode khmère s'il vous plaît!


Sur de la musique khmère, tout le monde entame une grande ronde. Pas de couple ici, tout le monde danse ensemble en respectant une gestuelle identique des pieds et des mains. Pas mal d'occidentaux s'y sont essayés, mais la grâce n'était pas tout à fait la même ;-)

Pendant ce temps, les mariés ont enfin eu le droit de se détendre un peu, et surtout de manger!

A la fin de la soirée, il y a eu une petite demi heure de chanson française, jusqu'à ce que tout d'un coup la sono s'arrête, les lumières chaleureuses s'éteignent pour laisser place aux néons blafards, et une meute de serveurs commencent à s'activer pour débarrasser, ranger... Et oui, il était environ 21h30, la fête était terminée! On est au Cambodge, n'oubliez pas!!!

Pour finir, je profite de l'occasion pour vous faire découvrir une galerie de portraits d'une partie des personnes que je côtoie ici depuis quelques mois.

Samia (responsable des documentalistes au Centre), Aurélie (notre grande coordinatrice générale en chef!) & Bunthoeun

Joseph (notre ancien informaticien) et Bertrand (restaurateur d'oeuvres d'art au Musée National de Phnom Penh)

Christine (ancienne attachée culturelle, copine de copains de Valenciennes) et Sopoi (ingénieur du son au Centre Culturel Français, et copain d'autres amis de Valenciennes. Le monde est petit!)

Lida (à gauche) et Noy (documentalistes au Centre)

Julie (copine de Silvère qui travaille dans une ONG), et Silvère (notre bientôt ancien responsable logistique et administration)

Rithy Pahn (The Big Boss!), et Linda (une amie artiste et thésarde)

Bunthoeun & moi (Vous me reconnaissez? Non? Et pourtant, je vous en ai fait voir de toutes les couleurs!!!)

Sopoi & moi (et oui, les khmers sont farceurs ;-)

06 janvier 2007

Entre ciel et mer...

Les fêtes de fin d'année viennent de s'achever. Vous avez fait la fête jusqu'au petit matin et consommé toutes sortes de breuvages sans modération, contribuant ainsi à la dégénérescence prématurée de millions de neurones innocents. Il faut donc commencer cette nouvelle année en douceur. Voici donc une petite énigme.

Regardez bien la photo suivante:

Question: Il s'agit d'une vue des sièges avants de notre taxi pour Kampot. Saurez-vous deviner qui conduit? Vous avez 30 secondes...

Tic Tac
Tic Tac

Tic Tac
Tic Tac
Tic Tac
Tic Tac
Tic Tac
Tic Tac
Tic Tac

BIIIIIIIP!

Le temps est écoulé!!! Votre réponse? "La personne à droite bien sûr!".

FAUX!!! Regardez-bien, il n'y a pas de volant à droite, c'est une conduite à gauche!

Un indice s'affiche en bas de votre écran: Ce n'est pas une voiture à boîte automatique.

Alors? La personne de gauche? Encore perdu! C'est celle du milieu!

Et oui, au Cambodge tout est possible. Ce taxi collectif est une Toyota Camry, normalement à 5 places. En payant plus cher que la normale, nous avons déjà pu limiter l'occupation à l'arrière à 3 personnes. Il est très courant de voir 7 ou 8 personnes s'entasser dedans.

Pour les 2 premières heures, nous étions donc 6. A une petite heure de l'arrivée, nous avons récupéré un homme et un enfant sur le bord de la route, portant à 8 le nombre de passagers, dont 5 à l'avant!

Pour finir de planter le décor, sachez que les ceintures de sécurité sont souvent cachées avec le plus grand soin (pour ne pas gêner), que les compteurs de vitesse et kilométriques sont hors service (ou débranchés?), les phares peuvent avoir un fort strabisme, le frein à main peut-être remplacé par une pierre judicieusement glissée sous une roue, ... la liste est longue, et certains taxis sont des cumulards!

Arrivés sur place, nous avons pris un motodop pour Kep, à une demi-heure. Kep est une ancienne station balnéaire huppée situé en bord de mer, avec une belle petite plage de sable cuivré, à 2 pas du Vietnam.


Avec les Khmers rouges, la ville a été vidée et est devenue un lieu de tortures et de barbaries où beaucoup de personnes ont été tuées. Depuis, les cambodgiens rechignent à venir réoccuper ce maisons qu'ils pensent hantées par les victimes de ces atrocités. Les maisons sont donc là, abandonnées, portant encore parfois des traces des évènements. Il semble cependant que le tourisme puisse permettre à cette ville de revivre. Quelques établissements plutôt luxueux se sont construits, et d'autres projets sont à l'étude. Il reste à espérez que la gourmandise des promoteurs n'entraînera pas une transformation trop radicale.

Après le couché du soleil, nous avons repris des motodops. Le retour fut un mélange de sensations mitigées. En pleine campagne, avec à peine quelques lampes blafardes dans des maisons ça et là, le ciel était magnifiquement étoilé, et la sensation procurée par le vent et la voute étoilée défilant au dessus de nos têtes était très apaisante. Mais en même temps, la nuit voit sortir d'on ne sait où une quantité phénoménale d'insectes volants! Avec la vitesse, toutes ces petites bêtes se transforment alors en un bombardement incessants de petits projectiles piquants qui viennent s'insinuer jusque dans la bouche, le nez, les yeux et les oreilles! Et pour parachever le tableau, les engins de nos mototaxis qui avaient pourtant l'air assez récents ce sont avérés avoir des phares à peine plus puissants que des bougies (pratique de nuit sur des routes certes asphaltées mais néanmoins émaillées de trous éparses), et celui de Delphine a perdu une bonne partie de son réservoir d'essence après avoir fait le plein suite au détachement d'une durite d'alimentation. Arrêt forcé en pleine nuit, réparation quasiment à tâtons en pleine campagne, nous nous sommes demandés un moment si nous allions pouvoir rentrer!

Nous sommes néanmoins finalement bien rentrés à Kampot. Petit repas en bord de fleuve, et nuit dans une guest house sur place.

Le lendemain, départ en pick-up pour le parc national du Bokor.

Comme vous pouvez le voir, le pick-up dispose de seulement 2 places (outre le chauffeur et le guide) à l'intérieur et un large espace à l'arrière à l'air libre. Aménagement extrêmement rudimentaire et inconfortable: De chaque côté, un petit banc de 10 cm de profondeur à peine, vaguement revêtu d'une couche de mousse et de sky bien fatigués, et pas grand chose à quoi se raccrocher vraiment facilement et confortablement. Les 10 premières minutes, c'est très agréable: on file sur la route, le vent nous rafraîchi... Puis arrive la piste un peu caillouteuse mais très correcte au départ. C'est déjà un petit moins agréable, mais ça va. Mais très vite, la piste devient complètement défoncée, et on commence à être projeté régulièrement à 20 cm au dessus du siège, les mains crispées à ce que l'on peut pour rester à l'intérieur du pick-up, avec en même temps tout un tas de branches et autres lianes venant nous percuter la figure si on ne baisse pas la tête à temps. En même temps, le paysage devient vite celui d'une jungle tropicale, avec des arbres qui viennent avaler les rochers sur lesquels ils reposent, de magnifiques papillons de presque 10cm d'envergure, des écureuils dans les arbres, des grillons et cigales en tout genre avec différentes sortes de crissements stridents très éloignés de celui sobre et grave de nos cigales françaises. C'est magnifique, et la température qui diminue progressivement associée au vent nous rafraîchi fort agréablement, au point de ne pas remarquer que le soleil tape quand même bien fort sur notre peau toute blanche! Le parc est aussi censé héberger quelques rares spécimens de tigres!

Le trajet dure environ 2h30 dans ces conditions: c'est long! Et c'est le derrière et le dos défoncés, et les bras tétanisés que l'on arrive à la première halte à l'ancien second palais royal: le black palace, dénommé ainsi car à l’époque de sa splendeur il était entièrement revêtu de lattes de bois d’une essence de couleur noire, que les vietnamiens ont entièrement pillé (on en voit un tout petit vestige ci-dessous)

Au passage vous pouvez admirer 2 magnifiques Gecko locaux : 20/25 cm de long, quelque chose comme 3 ou 4 cm de diamètre d’épaisseur. Ils ont un petit cri répétitif très reconnaissable, et on dit que d’entendre un Gecko le répéter très exactement 7 fois de suite porte bonheur.

Encore 30 bonnes minutes pour arriver au site principal.

Un peu d’histoire: en fait, toutes ces constructions dans le parc national du Bokor remontent aux années 20. A l'époque, le Cambodge est encore une colonie française, et ce sont palais royal, villas, hôtel/casino, église catholique,... qui sont construits pour accueillir la haute société aisée de l'époque.

La situation du plateau qui culmine à 1069m apporte un climat beaucoup plus frais que dans la plaine, surtout en saison sèche, et la vue magnifique sur le golfe de Thaïlande renforce sont attrait. En 1953, le pays prend son indépendance, et le lieu devient principalement fréquenté par les élites du royaume. En 1970, le roi Sihanouk est renversé par le maréchal Lon Nol, qui fonde la République Khmère avec le soutien des américains. Le Roi soutient ses opposants, les khmers rouges. En 1972, les lieux sont abandonnés, car la route devient peu sûre suite à l'émergence de la guérilla communiste.

17 avril 1975: Les Khmers rouges entrent dans Phnom Penh. Une visite d'inspection du roi est annoncée aux gardes républicains stationnés au Bokor. Ceux-ci briquent leurs uniformes et s'alignent pour recevoir le Roi. Ce sont les Khmers rouges qui arrivent en fait, et les fusillent tous. Le Bokor est alors abandonné une première fois.

En 1977, l'Angkar, l'organisation suprême des Khmers rouges multiplie les raids et incursions au Vietnam tout proche, mais ils ne peuvent résister aux puissantes divisions blindées du général Giap, le vainqueur de Dien Bien Phu. Ils se replient dans la forêt. Le massif du Bokor apparaît alors comme une véritable forteresse naturelle. Ironie de l’histoire les mêmes Khmers rouges qui abolirent l’argent se retranchent dans le casino.

Trois mois de violents combats seront nécessaires aux Vietnamiens pour les en délogés. Le Bokor est définitivement abandonné.

Enfin, lorsque le Cambodge est enfin libéré de l'emprise des Khmers rouges, beaucoup de gens se retrouvent affamés, totalement démunis, et doivent vivre de la débrouille pour trouver de quoi acheter de la nourriture. Tout ce qui n'a pas été volé par les vietnamiens et peut être encore réutilisé ou revendu dans ces lieux et scrupuleusement démonté, jusqu'aux dallages, aux tuyauteries ou aux chambranles des fenêtres. De tous ces lieux ne subsiste quasiment plus que les murs, sols et plafond construit en béton armés. Le temps vient recouvrir le tout d'un surprenant lichen orange qui contraste sur le noir du vieux béton, et qui, combiné à l'atmosphère souvent brumeuse, confère à ce lieu une ambiance extrêmement mystérieuse, surréaliste et envoutante...

De nos jours, ont trouve encore des traces palpables des affrontements qui ont eu lieu ici, sous la forme de lambeaux d'uniformes ou de vêtements qui émergent sous la terre et les herbes, notamment près de l'église.

Celle-ci, bien que symbolisant une religion qui plus est étrangère, et ayant servi de refuges aux khmers rouges qui l'ont réaménagé en caserne improvisée, a été presque complètement épargnée, avec peu d'impacts de balles ailleurs qu’aux fenêtres, et les croix ainsi que certains aménagements de cultes intérieurs ont été laissés en place.

Après le déjeuner et la visite de ces bâtiments, nous avons entamé notre redescente d’abord à pieds à travers la végétation pour aller voir quelques ponts détruits par les Khmers ce qui rend inutilisable une autre voie d’accès pourtant en bien meilleur état, un ancien dépôt de munition Khmer rouge, des vestiges de plantes à thé d’anciennes plantations. Puis redescente en pick-up : encore pire qu’à la montée, 2h30 de calvaire !

Mais arrivé en bord de mer, direction un tout petit « port » de pêche artisanale.

Là, embarquement sur une grosse barque qui nous ramène par l’embouchure du fleuve, en longeant les mangroves, au soleil couchant, vers la ville de Kampot.

Au passage on croise les flottes de pêche qui partent au travail, ou quelques pêcheurs plus modestes,

ainsi qu’un troupeau de buffles à l’heure du bain. Grandiose !!!

Merci à Delphine pour ses 2 photos: moi sur la plage de Kep, et le bain des buffles.